Briser les symétries cristallines pour atteindre la piézoélectricité

Des chercheurs soutenus par l’Union européenne ont trouvé une nouvelle façon d’induire l’effet piézoélectrique dans des matériaux qui ne sont habituellement pas considérés comme tels, ouvrant ainsi la voie à des matériaux plus respectueux de l’environnement dans les futurs dispositifs électromécaniques.

La piézoélectricité est beaucoup plus simple qu’il n’y paraît. Elle consiste à utiliser des cristaux pour convertir l’énergie mécanique en énergie électrique, ou vice versa, et se retrouve dans de nombreux appareils du quotidien, des montres à quartz et gramophones aux microphones et haut-parleurs. Cependant, si le concept de piézoélectricité est simple, trouver des matériaux piézoélectriques sur lesquels appliquer ce processus constitue un obstacle de taille depuis plus d’un siècle.

Des chercheurs soutenus par les projets BioWings et ESTEEM3 financés par l’UE ont récemment trouvé un moyen de produire une réponse piézoélectrique dans des matériaux qui ne sont normalement pas considérés comme piézoélectriques. Publiés dans la revue «Science», leurs résultats pourraient ouvrir la voie à une large gamme de matériaux électromécaniques écologiques et biocompatibles.

Les matériaux piézoélectriques répondent à une condition préalable fondamentale: leur structure cristalline ne doit pas posséder de centre de symétrie. Lorsqu’une pression est appliquée à une structure cristalline non centrosymétrique, celle-ci se déforme et ses atomes sont déplacés, ce qui permet au cristal de conduire un courant électrique. Cela confère aux matériaux piézoélectriques un intérêt pour un large éventail d’applications de détection.

Le matériau piézoélectrique le plus connu est le cristal de quartz. Cependant, les systèmes microélectromécaniques (MEMS) nécessitent l’utilisation de matériaux autres que le quartz naturel. Ces matériaux contiennent souvent du plomb nocif sous la forme de zirconate titanate de plomb. La recherche se concentre sur le développement de nouveaux MEMS biomédicaux fabriqués avec des films minces, sans plomb, à base de matériaux d’oxyde dopés au gadolinium. «De nombreux systèmes micro-électromécaniques existent déjà, mais ils renferment souvent des matériaux contenant du plomb qui sont nocifs pour une utilisation humaine. Le projet BioWings entend développer des matériaux biocompatibles dont les propriétés sont similaires à celles des matériaux courants contenant du plomb, mais qui n’en contiennent pas ni d’autres matériaux nocifs», explique le professeur Nini Pryds, co-auteur de l’étude et coordinateur du projet BioWings à l’Université technique du Danemark, dans un communiqué de presse d’«EurekAlert!».Dans leur étude, les chercheurs décrivent la manière dont ils ont pu induire un effet piézoélectrique important et durable dans des cristaux centrosymétriques – des matériaux qui ne permettent généralement pas une telle réponse. Ils ont créé l’effet piézoélectrique en appliquant simultanément un courant alternatif et un courant continu, ce qui a provoqué le réarrangement des défauts de l’oxygène dans le matériau et, par conséquent, une polarisation. Cela a brisé la symétrie cristalline du matériau et a permis d’obtenir l’effet piézoélectrique recherché.

En démontrant qu’il est possible d’induire un effet piézoélectrique dans des matériaux qui ne sont normalement pas piézoélectriques, l’équipe de recherche jette les bases de la conception de matériaux piézoélectriques sans plomb et non toxiques. «Ce nouveau développement constituera une étape fondamentale vers la mise au point de matériaux piézoélectriques respectueux de l’environnement et hautement performants destinés à être utilisés, par exemple, dans la technologie automobile et les applications médicales», poursuit Nini Pryds.

L’exigence actuelle d’une structure cristalline non centrosymétrique dans les matériaux piézoélectriques limite considérablement le nombre de matériaux pouvant être utilisés dans les dispositifs modernes. Nini Pryds décrit les résultats de la recherche comme un «changement de paradigme vers l’induction de la piézoélectricité dans les cristaux centrosymétriques, élargissant ainsi le nombre de matériaux possibles». Il conclut: «Je m’attends à ce que cela ait un effet notable sur la conception de nouveaux dispositifs électromécaniques avec de nouveaux matériaux biocompatibles.» BioWings (Bio-compatible electrostrictive smart materials for future generation of medical micro-electro-mechanical systems) prend fin en mai 2022 et ESTEEM3 (Enabling Science and Technology through European Electron Microscopy) prend fin en juin 2023.

Pour plus d’informations, veuillez consulter:

site web du projet BioWings

site web du projet ESTEEM3


publié: 2022-03-15
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