Dans un premier temps, des scientifiques ont utilisé l’un des supercalculateurs les plus puissants au monde pour simuler comment l’éponge appelée «panier de fleurs de Vénus» s’adapte à son environnement en eau profonde. Cela pourrait changer à l’avenir la façon de concevoir des structures artificielles soumises à l’écoulement de l’eau.
Une éponge de verre découverte dans les eaux profondes de l’océan Pacifique inspire une nouvelle vision sur la forme des immeubles et d’autres structures artificielles. Depuis sa découverte, l’espèce Euplectella aspergillum, éponge communément appelée «panier de fleurs de Vénus», a attiré l’attention des scientifiques surtout à cause de sa structure. Elle est constituée d’un treillage blanc, cylindrique, extrêmement flexible et composé de silice. Une équipe internationale de recherche financée en partie par le projet COPMAT, financé par l’UE, s’est désormais intéressée à un aspect en grande partie inexploré de l’éponge d’eau profonde que sont les champs hydrodynamiques qui l’entourent et qui la pénètrent.
L’équipe de chercheurs venant d’Australie, d’Italie et des États-Unis ont cherché à démontrer que, en plus d’améliorer ses propriétés mécaniques, les motifs du squelette de l’éponge étaient aussi responsables de la physique optimisée d’écoulement à l’intérieur et au-delà de sa cavité corporelle. Les résultats ont montré l’existence d’une forte relation entre la structure de l’éponge et sa fonction, ce qui donne une idée de la manière avec laquelle le squelette en forme de treillage contribue à réduire la tension hydrodynamique générale venant de l’océan environnant. Ils ont aussi montré comment le squelette est capable de créer un tourbillon riche en nutriments, de faible vitesse d’écoulement, à l’intérieur de l’éponge. L’étude a été publiée dans la revue «Nature».Pour ses expériences, l’équipe a utilisé le supercalculateur MARCONI100 de 21,6 pétaflops installé au centre de calcul intensif CINECA (Consortium interuniversitaire pour le calcul automatique de l’Italie Nord-orientale) en Italie, et un logiciel spécial développé par Giorgio Amati, responsable principal de la technologie au CINECA et co-auteur de l’étude. Grâce à cet arsenal informatique, les chercheurs ont créé les toutes premières simulations du «panier de fleurs de Vénus» et observé sa réponse et son influence sur l’écoulement d’eau environnant des fonds marins où il vit. Les simulations étaient fondées sur la méthode de Boltzmann sur réseau utilisée pour simuler le comportement dynamique des écoulements de fluides.
«En explorant l’écoulement du fluide à l’intérieur et à l’extérieur de la cavité corporelle de l’éponge, nous avons découvert les empreintes d’une adaptation attendue à l’environnement», a expliqué le co-auteur de l’étude, le professeur Maurizio Porfiri de l’Université de New-York dans un communiqué de presse publié sur «EurekAlert!». «Non seulement la structure de l’éponge contribue à une traînée réduite mais elle facilite aussi la création de tourbillons à faible vitesse à l’intérieur de la cavité corporelle, utilisés ensuite pour l’alimentation et la reproduction de l’éponge», a ajouté le professeur Maurizio Porfiri.
Selon les travaux réalisés par l’auteur principal, le docteur Giacomo Falcucci de l’Université Tor Vergata de Rome et de l’Université Harvard, les travaux de recherche de l’équipe «ont de nombreuses implications sur la forme des immeubles de grande hauteur ou, en réalité, de toute structure mécanique, des gratte-ciels aux nouvelles structures à faible traînée pour les bateaux ou pour les fuselages d’avions». Giacomo Falcucci a explicité cette déclaration en donnant quelques exemples intéressants: «Y aura-t-il moins de traînées aérodynamiques sur les gratte-ciels construits avec un treillage similaire formé d’arêtes et de creux? Est-ce que cela optimisera la répartition des forces appliquées? Répondre à ces mêmes questions est l’objectif principal de l’équipe».
«Ce travail illustre une application remarquable de la dynamique discrète des fluides en général et de la méthode de Boltzmann sur réseau en particulier», a observé le docteur Sauro Succi, co-auteur principal de l’Institut italien de technologie et de l’Université Harvard, qui héberge le projet COPMAT. «La précision de la méthode, combinée à l’accès à l’un des supercalculateurs les plus performants au niveau mondial, nous a permis de réaliser des niveaux de calcul jamais tentés auparavant, qui ont mis en lumière le rôle des écoulements de fluides sur l’adaptation des organismes vivants présents dans le domaine abyssal.» Le projet COPMAT (Full-scale COmputational design of Porous mesoscale MATerials), prévu pour une durée de cinq ans et demi, s’achèvera en 2023.
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